Vieux Poilu

Nouvelle
Publiée dans « Poilus »
Ed. Thierry Magnier
2018

Le monde autour de la ferme est enveloppé dans le brouillard.

Une brouillard épais et collant, pareil à de la ouate ou à des rouleaux de gaze, si dense qu’on ne voit même plus le grand chêne tout en haut de la combe.

Et pourtant, Madeleine en est certaine, elle a vu une ombre filer derrière la vitre de la cuisine. Ou alors perd-elle simplement la tête ?

Elle tente de raviver les braises charbonneuses dans l’âtre de la grande cheminée. Mais le feu est détrempé, presque mort.

Cherchant un peu de chaleur, elle pose ses mains sur la faïence tiède du bol de lait échoué sur la table. La mère n’en a pas voulu ce matin non plus. Des semaines qu’elle n’a pas mangé. Quand Madeleine est entrée dans la chambre, elle a trouvé sa mère drapée de noir, assise sur le bord du lit froid, comme tous les matins. Elle lui a tendu le bol plein de lait chaud et la mère a levé vers elle ses yeux troubles.

– Il est revenu ?

Et Madeleine n’a pu que secouer la tête.

Non, Armand n’est pas revenu.