Carnets Kréol – Maurice
Carnets Kréol – Maurice#Fin
Mon voyage
à l’Île Maurice
touche à sa fin.
Merci à toutes celles et ceux
que j’ai croisés ici,
qu’ils soient écrivains, enseignants,
pêcheurs, serveurs,
illustrateurs, conteurs,
bibliothécaires,
éducateurs, vigiles,
vendeurs ambulants,
anciens taulards,
coupeurs de canne,
patrons de bar, journalistes,
chauffeurs de taxi, de bus,
passants pas pressés,
hommes et femmes assis sur le bord du chemin,
gamins dépenaillés, timides ou bien proprets,
gamins toujours curieux,
tous beaux comme des fleurs de frangipanier,
Et qui ont pris le temps
de me raconter
leurs histoires, leurs rêves,
leurs peurs, leurs espoirs,
leur île.
Si vous passez par-là,
Merci, infiniment.
Par manque de temps
ces carnets contiennent
bien trop peu de mots
pour dire cette île
si complexe.
Vous m’en excuserez.
Et enfin,
un grand merci
à toute l’équipe de l’Institut français de Maurice
et en particulier à Catherine Caudan,
sans qui ce voyage
n’aurait pu avoir lieu…
Ayo !
Carnets Kréol – Maurice#6
Les enfants d’ici
sont des bambous timides
Aux sourires de tigres.
Si tu écoutes bien
Peut-être les entendras-tu chanter
Là-bas, loin de la ville,
Sur les berges
De la vieille rivière Tanier.
Carnets Kréol – Maurice#5
Ayo !
Longtemps
La canne ta lame
A coupée
Longtemps
Ta main la canne
A taillée
Coupe la canne
Coule le sang
Brûle le champ
Chante marmite
Pour faire sourire
A l’ombre du manguier
Le ventre des enfants.
Rouge la boue
Rouge le sang
Rouge piment.
Longtemps
La terre fait homme kontan.
Ayo !
La terre a tourné
Ce matin
Le politique ta main
A flattée
Ce matin
Le banquier ses billets
A fait danser
Danse mirages
Roule voiture
Parle télé
Pour faire rêver
A l’ombre du manguier
Le petit paysan.
Rouge la boue
Rouge le sang
Rouge l’argent
Ce matin
Papier fait homme kontan.
Ayo !
Ce soir
Le rat la mangue
Ne volera plus.
Manguier coupé.
Case en tôle cassée.
La marmite refroidie
Ne chante plus
Pour faire sourire
Le ventre de tes enfants,
Envolés
Au-delà de l’océan.
Et toi,
Ce soir,
A l’ombre des murs, des paréos,
des barbelés et des beaux uniformes
Des agents de sécurité
Tu te souviens
Encore du temps longtemps
Longtemps
La canne ta lame
A coupée
Longtemps
Ta main la canne
A taillée
Rouge la boue
Rouge le sang
Rouge piment
Est-ce que les souvenirs
Peuvent faire
homme kontan ?
Carnets Kréol – Maurice#4
Face à l’océan,
pour tromper la faim
et la barque vide
La femme du pêcheur
Tissait en rêvant
des filets clinquants
De perles indiennes.
Carnets Kréol – Maurice#3
Étranger,
Si tu passes
Par le cimetière penché
Au-dessus de l’océan,
Garde-toi
De toucher à la coco
Qui renferme
le cauchemar
De l’endormie.
Carnets Kréol – Maurice#2
En croquant pomme zako,
Le sage aux pieds nus
Me chantait les louanges
De nos frères les singes
Et de leurs doigts si habiles.
Plus grand miracle encore :
l’esprit de l’homme
qui le premier
inventa hameçon
pour attraper gros poissons.
Sans doute avait-il le bras trop court
Pour manier le harpon,
me confia le sage,
Ou bien préférait-il
Se la couler douce au bord du lagon ?
Pomme zako finie,
Le sage envoya le noyau dans l’eau
Et, repos bien mérité,
alla se recoucher sous les filaos.
Carnets Kréol – Maurice#1
Sur la Pomponette
Les chiens des sables
Ont pour seules laisses
Les nœuds coulants
Tendus aux lisières
Des villas fantômes.
Au couchant venu
Pour tromper la faim
Ils ouvrent grand la gueule
Et dans l’écume
se disputent en hurlant
L’os blanchi
De la Lune.