Poézies
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La Maison des Oiseaux
Merles, moineaux, mésanges, rouges-gorges, rouge-queues noirs,
pinsons des arbres, verdiers, éperviers, huppes fasciées,… ma maison est toute entière aux oiseaux.
Dès le matin, ils déplient le jour et déploient le ciel entre le canapé et le vieux poêle à bois.
C’est un grand chantier auquel tous s’affairent avec constance et fébrilité.
Chacun a sa tâche attitrée pour que le temps s’égraine, pour que monde continue de tourner.
A toute heure, dans le salon ils tournoient sans filet.
Et peu importe la lame du froid, les mâchoires du feu, les convulsions de la terre,
toujours, ils poursuivent leur mission, obstinés.
Les oiseaux sont les horlogers de nos vies.Ils sont les métronomes entêtés du jour et de la nuit.
Les témoins insouciants de nos élans et de nos effondrements.
Le miroir de nos yeux tendus vers le plafond ou l’éternité.
Sans eux, tout disparaîtrait.
Un monde sans oiseaux serait une terre d’oubli.
La vie ne tient qu’à une plume.
Aussi, je me tiens immobile au creux du jour pour ne pas les effaroucher.
Je laisse les rouges-queues se percher sur mes paupières closes.
De sont chant, un moineau habille ma solitude.
Les mésanges ébouriffent mes certitudes.
Ma peur fendue en deux par l’épervier.
Les pinsons picorent mes sourires.
Un merle docte arpente le calme de mon crâne.
Ma vie ne tient qu’à une plume.
Par chance,les oiseaux ne sont jamais loin.
Depuis toujours,
ils nichent sous l’escalier
de mes omoplates gauches. -
Au verger
Je fauche l’herbe au verger.
Un homme enterre son fils
La forêt exulte de mésanges
Et les mouches bourdonnent le soleil.
Une larme perle sur ta peau nue,
Peut-être l’amour qui rigole,
A moins que ce ne soit que de l’eau.
Le glas sonne au-delà des pins
Un chevreuil éclipse le jour.
Le temps enfonce son coin
Derrière chacun de nos pas.
Nous avons huit ans puis quatre-vingt,
A moins que la vie
ne nous ferme les yeux bien avant.
Depuis toujours,
nous avons l’âge du monde.
La terre nous tourne la tête,
La preuve que nous sommes encore bien vivants.
Le parfum de l’herbe couchée. -
Barque
J’ai trouvé
une barque renversée
sur la berge d’un songe.
A son bord,
j’ai fendu la nuit
jusqu’aux récifs aiguisés
du matin.
Tout le jour
j’en garde sur la peau
le parfum épicé
d’un rêve lointain. -
Poisson
Mon cœur est un poisson rouge
Palpitant affolé sur le pavé.
Le prendras-tu entre tes mains ?
Le porteras-tu à ta bouche
Pour lui donner l’air
de rien
qui lui manquait ? -
Pirate
J’ai caché
près des côtes
un coffret
où sont amassés mes trésors secrets :Le merle réveil-matin,
une plume d’enfance,
trois petits cailloux
et l’épice des pinsLe clapotis de l’été,
le chocolat sur la peau,
les mots que j’inventais
que je n’écrivais jamais
par peur d’enflammer
les forêts de papierune croûte au genou de l’âme,
les crécelles des cigales,
le crapaud sous le sable
le renard qui bondit
sur une rognure de luneEt, tout au fond,
dans son papier doré,
un amour
tout fondu.Je te parle du temps où j’étais marin d’eau douce,
Où j’allais insouciant sur mon bateau
pirate au long cours de récré.
Ici je laisse pour toi cette carte.
Si le cœur t’en dit, tu iras un jour
déterrer le coffret.